"Pour les djihadistes, la propagande c’est 50 % du combat", rappelle le professeur de sciences politiques Hugo Micheron. Auteur de La colère et l’oubli – Les démocraties face au jihadisme européen (Gallimard, 2023), le chercheur estime que, dans cette entreprise de manipulation de l’opinion, l’intelligence artificielle (IA) générative de type ChatGPT constitue une arme redoutable pour les terroristes, qui se sont toujours emparés des nouvelles technologies. Depuis les années 1980, leur endoctrinement est passé par de multiples canaux : cassettes vidéo, magazines, livres et, aujourd’hui, publications massives sur les réseaux sociaux. Dans le futur, l’IA pourrait les aider à cibler leurs frappes par le biais d’un dialogue avec une machine "qui aurait toutes les apparences d’un être humain" et s’adapterait à ses interlocuteurs.

Interrogé par Nora Hamadi, puis par le public de la Gaîté Lyrique, Hugo Micheron élargit son propos à d’autres exemples (ingérences russes et chinoises, influence de l’attentat du 7 octobre 2023 sur le débat public…) et replace la révolution de l’IA dans la lignée des innovations de rupture qui ont déstabilisé l’être humain et favorisé l’essor de croyances millénaristes pour le moins irrationnelles.

Alors que la moitié du globe est appelée aux urnes en 2024 et que le débat en ligne n’a jamais été aussi polarisé, nos démocraties résisteront-elles à ces mutations technologiques ? Pour y parvenir, l’Europe aurait intérêt à ne pas rater la révolution de l’IA et à montrer qu’elle peut aussi s’avérer offensive, suggère Hugo Micheron. "On est dans la première guerre mondiale informationnelle et on ne peut pas faire que construire des digues", juge-t-il.